Dubstep et disparition du bon vieux CD
Nous vivons une époque de profonds changements.
Les nouvelles technologies apportent leurs lots de révolutions, les frontières disparaissent dans le "village global", regarder la télévision sur son téléphone portable est devenu possible, écouter de la musique ne signifie plus acheter un disque, consulter ses e-mails depuis les toilettes du Fouquet's est une évidente possibilité grâce à l'iPhone, nous maîtrisons notre programmation télévisée avec la vidéo à la demande, le téléchargement illégal semble inarrêtable, tout change, tous les jours. Dans ce contexte l'industrie musicale n'est pas épargnée. Les ventes d'albums ont chutées notablement ces dix dernières années face l'arrivée du "peer to peer", ces échanges de données sur internet. Kazaa ou encore eMule ont été aux premières heures de ces flux et ont créés ce que la classe politique et les maisons de disques se démènent à incriminer : le téléchargement illégal.
Le dubstep est un genre musical né à l'aube des années 2000 à Londres. Comme tous les genres musicaux il est le résultat d'une évolution, d'un marriage entre genres. En France le dubstep ne connaît pas encore la folie qu'on lui accorde ici. En Angleterre, c'est toute une jeunesse qui "skank" (verbe anglais pour qualifier la manière de danser sur du dubstep) au rythmes marqués, paroles parfois machistes et basses profondes. La découverte de nouvelles chansons se fait sur internet ou lors des nuits consacrées au dubstep en boîte de nuit ou festivals. Mais dans tous les cas, acheter l'album d'un DJ n'est pas envisageable puisqu'il n'en existe pas.
A-Trak
Tout se fait par internet. Et voilà la raison de cet article : le dubstep contrarie les plans de l'industrie musicale. Il change tous les repères, remet en question les acquis et le schéma traditionnel de la production et diffusion de chansons. Si je suis DJ je vais vouloir faire connaître mes chansons et je vais donc utiliser des sites internet comme YouTube ou alors des plates-forme spécialisées à l'image des forums ou des sites de téléchargement dédiés au dubstep.
Le disque n'existe pas. L'évolution de la technologie informatique permet un échange illimité de ces données musicales et en parallèle, l'évolution du matériel de mixage et de création musicale (à partir d'un logiciel comme Reason je peux intégralement créer une chanson, et cela sans le moindre instruments), permet au DJ de se passer d'un studio d'enregistrement ou des services d'une maison de disques. La promotion se fait grâce à internet et aux live en clubs, boîtes de nuit et festivals.
Le dubstep n'est qu'un exemple de ces genres musicaux qui se sont émancipés du schéma traditionnel suivant :
1) le groupe/l'artiste enregistre ses chansons en studio
2) la maison de disque a son mot à dire sur les chansons
3) le producteur de l'album retouche les morceaux, il leur donne une "couleur", une "sonorité" qui correspond à sa marque de fabrique (certains producteur sont connus pour ajouter des claviers, d'autres pour mettre en avant les percussions, etc)
4) l'album est finalisé puis édité
5) la promotion se fait sur internet, à la télé, à la radio et en presse spécialisée
6) l'album est en magasin
Pour le dubstep, la maison de disque disparaît. Le DJ s'auto-produit et ses coûts de production musicale sont quasi-nul puisqu'il utilise des ressources informatiques.
Alors ces gens en costumes/cravates pourront nous dire tout le mal qu'ils pensent du téléchargement illégal : il existe toute une communauté qui ne fonctionne que comme ça. Les DJ savent qu'ils ne seront rien sans internet et acceptent cette manière de faire, devenue inhérente depuis.
Dubbed Out est une nuit consacrée au dubstep une fois par mois dans une boîte de nuit à Maidstone
Côté musique pop ou rock, ceux qui se plaignent du téléchargement illégal sont les mêmes qui se font grassement payé pour les concerts qu'ils donnent. Il s'agit d'une évolution que l'ensemble de la communauté musicale doit prendre en compte et accepter parce qu'on ne peut pas revenir en arrière. Les sources de rémunérations ont changées. A l'époque des Rolling Stones (ce n'est qu'un exemple parmis d'autres), leurs ventes d'album représentaient des émoluments considérables, à cela s'ajouaient les tournées, les apparations télévisées ou encore les ventes de produits dérivés.
Aujourd'hui, dans certaines salles de spectacles (les plus grosses), chaque membre du groupe Kings Of Leon touche £200 000 par concert. Multipliez par le nombre incroyablement élevé de concerts par tournée et vous comprenez rapidement qu'ils ne sont pas à plaindre. Evidemment chaque salles de spectacles ne les rémunèrent pas aussi copieusement mais ce genre de groupe est en position de force face aux lieux qui les accueillent. On veut ces groupes qui cartonnent parce qu'on sait qu'on va faire sauter la banque avec des concerts à guichets fermés.
Alors voilà l'idée de cet article : le téléchargement via internet n'est pas une entrave à la création musicale et au fonctionnement de l'industrie musicale mais bien une évolution. Si les maisons de disques doivent disparaître, ce sera au profit d'une nouvelle manière de produire un album et de le promouvoir. Des milliers d'artistes le font déjà.
Le leader du groupe Kill The Young disait : "Le téléchargement illégal ne tue pas la musique, mais l'industrie de la musique". Au final un artiste ou un groupe continue de percevoir de l'argent grâce aux concerts qu'il donne. Il faut cependant reconnaître que les coûts de production d'un album édité à un faible nombre d'exemplaires coûte très cher. Mais encore une fois, il s'agit d'un modelage nouveau de la production musicale.
Qu'on le veuille ou non, le téléchargement illégal est devenu le principe même de fonctionnement des musiques non populaire.