Musique populaire : une construction marketing qui sonne faux

Published on by Etienne

Je me mettais au lit, une nuit de février dans mon antre anglo-saxonne, quand une pensée vînt frapper à la porte de mon esprit bientôt endormi comme cela m'arrive régulièrement (vous savez, le moment où la lumière est éteinte, que l'interrupteur est trop loin et qu'il vous faut tâtonner pour trouver un stylo avant de chercher péniblement un bout de papier et enfin de griffoner à l'aveugle ce qui vous permettra de vous souvenir de l'idée le lendemain matin).

 

Je n'ai plus ce papier mais j'avais dû écrire quelque chose comme : "marketing chanteur : Hannah Montana / Brel"

 

Evidemment, niveau analytique on a connu mieux.

Et puis finalement, j'ai eu d'autres sujets à traiter, des articles qui me semblaient avoir la priorité sur cette chère Hannah Montana alors je n'ai pas évoqué ce "marketing" du chanteur.

 

Là, on arrive au moment que je préfère dans la rédaction d'un article ; celui où je me dis : "Euh... ça serait peut-être pas mal de leur dire qui c'est Hannah Montana parce que si ça se trouve ils la connaissent pas, ces incultes, euh... ces in-ternautes."

Ne prenez pas la mouche, non pas parce qu'elle pète, mais parce que grand bien vous prendrait de ne pas connaître cette série tellement américaine.

 

En deux mots, Miley Stewart est une lycéenne comme les autres, mais pas tout à fait. Le jour elle suit les cours comme toutes ses copines, mais le soir venu elle se transforme en véritable star de la chanson et se produit sur scène pour le plaisir de tous ses fans qui semblent avoir renié Dieu et leur mère pour se consacrer à Hannah Montana, nom de scène de la jeune Miley.

Vous connaissiez Dr Jekyll et Mr Hyde, Gainsbourg et Gainsbarre, Dr Renaud et Mr Renard, et maintenant Miley Stewart et Hannah Montana. Heureusement que je suis là quand même, vous viviez dans l'ombre du savoir, loin des lanternes de la connaissances, héritage des Lumières.

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Le concept est le suivant


1) On tourne une série musicale reprenant absolument tout ce qui va plaire au public très jeune et adolescent : des garçons, des filles, de l'humour, du rêve, de la musique, des belles histoires, de la rébellion, de la magie, l'American Dream version Happy Meal, bref la construction d'un héros auquel on pourra s'identifier voire même qu'on voudra imiter/devenir.

 

2) On diffuse cette série sur Disney Channel, géant de la télévision jeunesse aux Etats-Unis, Canada et en Europe.

 

3) En parallèle on sort une déclinaison d'objets dérivés : vêtements, cd's, stylos, carnets, DVD's, cartables, badges, etc.

 

4) On lance le Hannah Montana Tour, c'est-à-dire on envoit Miley Cyrus faire du play-back sur les planches du monde entier à la conquête des fillettes hystériques et par la même occasion de leurs parents. Eh bien oui, maintenant qu'on a fait croire à des millions de personnes qu'elle sait chanter, c'est l'heure de l'envoyer dans le grand bain.

 

Vous l'aurez compris, à partir d'un individu lambda (Miley Cyrus n'est pas plus chanteuse que vous et moi), on façonne un produit marketing à échelle humaine, capable de galvaniser des foules et de faire sauter la banque. On la met partout : plateaux télé, concerts de charité, émissions de radio, presse people, internet, ...

Elle est jeune, mignone (?), pas grosse, sait dire non aux avances des garçons, sourit tout le temps, a de l'humour, et chante si bien (ndlr : l'humour de l'auteur de ce blog atteignant parfois le 27ème degré, merci de conserver un recul critique nécessaire à la bonne compréhension du message délivré).

En résumé elle est ce que beaucoup de gamines entre 10 et 15 ans rêvent d'être. Au pays du rêve américain, tout est possible, non ?

 

J'ai beaucoup écouté Jacques Brel ces derniers mois et c'est la raison pour laquelle la pensée nocturne de février est venue à moi. Quand on regarde des vidéos de Brel sur scène, interprétant ses chansons, on éprouve une légère surprise lorsque notre cerveau, sans rien nous demander, nous fait attérir mentalement sur Hannah Montana pour pointer du doigt le pharaonesque fossé entre ces deux individus.

Cerveau, je te retiens, tu ne t'en tirera pas comme ça.

Ainsi voilà établie la comparaison troublante entre d'un côté un produit marketing sur jambes et, de l'autre, un être qui a dû se construire seul. D'un côté on interprète des chansons écrites et composées en 1min.30 par un préposé à l'accouchement de produits musicaux passe-partout à l'aide de son Mac. De l'autre, on interprète ce qu'on a composé et écrit, on fait parler notre coeur.

Je ne suis pas objectif, mais trouvez un bloggeur adulte ou jeune adulte qui ne trouve pas regrettable l'hypermédiatisation des Hannah Montana et autres Jonas Brothers, au détriment de tant d'artistes, et dîtes-le moi.

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En résumé, il est assez amusant de voir avec quelle simplicité Walt Disney crée des idoles en ne réinventant absolument rien. Dans son clip, Hannah Montana scande "Soyons fou". A un âge ou le pré-ado veut à tout prix franchir les barrières posées par l'éducation qu'il reçoit, il y a fort à parier qu'une telle invitation fait mouche. Elle est l'incarnation et la porte-parole de l'idée : "On est des ados et vous les adultes, vous pouvez pas nous comprendre et de toutes façons on est bien mieux entre nous". Miley Cyrus ne sait pas chanter (je vous épargne une vidéo où elle chante pour de vrai et dans laquelle on peut mesurer à quel point elle semble avoir tiré la chasse d'eau avec son talent dedans) mais pourtant, à 17 ans, ce sont 25 millions de dollars qui lui ont été versé au total et elle continue d'en gagner, contrats publicitaires et musicaux obligent. Elle est la première jeune fortune, à égalité avec Daniel Radcliff (vous savez, le sorcier à lunettes) qui lui, semble avoir un brin plus de talent.

Des salaires incensés pour des adolescents qui n'auront jamais besoin de travailler et dont la masse de travail réalisée ne vaudra jamais les sommes qui leur ont été versées.

 

Mais je suis persuadé qu'ils reversent un pourcentage notable de leur émoluments à des causes charitables telles que le combat contre le paludisme en Ouganda ou l'aide à l'alphabétisation au Pérou. Pas vous ?

 

En attendant, que repose en paix Monsieur Brel et que vivent tous les autres vrais qui savent que jamais le marketing ne créera d'artistes. La pasteurisation tue le lait.

Published on Patchwork de pensées

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M
<br /> <br /> Cet article m'avait échappé...il est assez intéressant. J'avoue être tombé quelques fois sur Hannah Montana, croyant être à l'heure où NRJ12 diffuse habituellement Friends, quelle erreur!!je ne<br /> pense pas avoir pu passer plus de 3min 30 devant ce navet. Pourtant les acteurs semblent se démener pour nous faire adhérer à leurs problèmes existentiels.<br /> <br /> <br /> Vive la boîte à troubadours, porteuse de rêves.<br /> <br /> <br /> Petite anecdote qui montre à quel point le petit écran s'évertue à enjoliver et aseptiser la réalité. Ce matin en allant au marché avec Céline et sa fille Pauline (3ans), cette dernière nous<br /> demande pourquoi il n'y avait aps d'arc- en- ciel, ce à quoi Céline et moi avons répondu que pas de pluie pas d'arc-en-ciel (un peu comme les pierres et les palais....). Et là Pauline nous<br /> regarde et nous dit "oui mais dans Dora y a un arc-en-ciel et y a pas de pluie"....<br /> <br /> <br /> Ah Dora...Je pense que tu tiens là un super sujet d'article...<br /> <br /> <br /> <br />
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